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Bialowieza

La forêt de Białowieża est un reste de la forêt primaire et donne sûrement un bon aperçu de ce à quoi devait ressembler la forêt Hercynienne.

La Forêt Hercynienne est une antique forêt actuellement disparue qui s'étendait sur les confins Nord de l'empire romain. Cette immensité végétale, reste encore massif de la forêt primaire, a par son ampleur et son aspect impénétrable beaucoup marqué les esprits de l'époque. Elle n'était cependant pas inhabitée, et un certain nombre de routes la traversaient. Tout au long du Moyen Âge, et jusqu'à nos jours, cette forêt a subi les affres du défrichement, et il n'en reste plus aujourd'hui que des morceaux épars, à tel point que les Encyclopédistes doutaient qu'elle eût jamais existé [1].

Origine du nom[]

La forêt Hercynienne tire son nom avant tout de César. Il est le premier auteur latin à faire mention de la Hercynia silva [2], qu'il a été amené à rencontrer au cour des ses conquêtes. Avant lui, quelques auteurs grecs l'avaient mentionnée, ou du moins les Monts Hercyniens, notamment Aristote [3] sous la forme Ἀρκυνίων /Arkuníōn/ (forme de génitif). Toutes les formes ultérieures, y compris les formes grecques, par exemple de Strabon, sont des emprunts à César. D'autres auteurs latins parlent du saltus Hercynius, comme Tacite [4], ou du jugum Hercynium, nom d'une chaine de montagnes, comme Pline l'Ancien [5].

L'origine de ce nom n'est pas claire. Cependant l'hypothèse la plus probable est qu'il s'agisse d'un emprunt à un mot celte non attesté, *Erkunia. Ce mot viendrait par évolution régulière de l'indo-européen *Perkwunyeh2, adjectif féminin formé sur le nom du dieu de l'orage et des chênes *Perkwunos. Le nom de cette forêt signifierait donc simplement "la chênaie" [6].

Localisation de la forêt[]

Cette forêt était pour le moins immense. Le seul moyen de déterminer sa localisation exacte et son étendue consiste à confronter les différentes sources dont nous disposons. À tout seigneur tout honneur, le premier à l'avoir définie et non simplement mentionnée, César. Dans son De bello Gallico (livre VI, 25), il dit :

Huius Hercyniae silvae, quae supra demonstrata est, latitudo novem dierum iter expedito patet: non enim aliter finiri potest, neque mensuras itinerum noverunt. Oritur ab Helvetiorum et Nemetum et Rauracorum finibus rectaque fluminis Danubi regione pertinet ad fines Dacorum et Anartium; hinc se flectit sinistrorsus diversis ab flumine regionibus multarumque gentium fines propter magnitudinem adtingit; neque quisquam est huius Germaniae, qui se aut adisse ad initium eius silvae dicat, cum dierum iter LX processerit, aut, quo ex loco oriatur, acceperit.
Cette forêt Hercynienne, dont il a été question plus haut, a une largeur de neuf jours de marche forcée : en effet, on ne peut la définir autrement, et ils [les Germains] ne connaissent pas les mesures de distance. Elle naît des territoires des Helvètes, des Némètes, et des Rauraques, et atteint, en suivant en droite ligne le Danube, les territoires des Daces et des Anartes ; de là, elle tourne à gauche en se séparant du fleuve et, du fait de sa taille, touche les territoires de nombreux peuples ; et il n'y a personne dans cette Germanie qui soit dise qu'il s'est rendu au commencement de cette forêt, après avoir voyagé pendant 60 jours, soit ait trouvé en quel lieu elle naît. [7]

La première chose à faire est de repérer où vivent les peuples mentionnés par César. Les Helvètes vivent dans le parallélépipède formé par le lac Léman, le lac de Constance, l'Aar et les premiers contreforts des Alpes. Les Rauraques quant à eux vivent entre l'Aar et le Doubs, leur territoire étant bordé au Nord par le Rhin et se perdant au Sud dans le Jura. [8] Le territoire des Helvètes correspond à l'actuel plateau Suisse, et celui des Rauraques au Nord du Jura. Le plateau Suisse est une zone très peu boisée, sauf dans le Nord à proximité du Rhin. On peut donc supposer que la forêt naît dans les derniers contreforts du Jura, entre les actuelles Bâle et Zurich. Peut-être englobe-t-elle aussi la forêt jurassienne proprement dite, celle-ci n'étant pas mentionnée à part par César. Les Némètes sont un peuple germanique de la rive droite du Rhin, qui est passé sur la rive gauche au moment de l'invasion d'Arioviste en Alsace. Leur capitale se situait à l'emplacement de l'actuelle Speyer. [9] On peut donc en déduire qu'ils habitaient dans le Nord du Bade, de l'autre côté du Rhin par rapport au Palatinat. Le Sud de cette région correspond au Nord de la Forêt Noire, qui est séparée de la forêt des Vosges par le couloir alsacien, et qui se prolonge vers le Sud jusqu'au Rhin ... juste en face des derniers contreforts du Jura !

Hercynienne1 Comme un bon plan vaut toujours mieux qu'un long discours, voici une image satellite des lieux.

Objets géographiques
1 Lac Léman
2 Lac de Constance
3 Jura
4 Forêt Noire
5 Vosges / Rhin (erreur de frappe, aurait dû être un 6)

Territoires des peuples mentionnés
H Helvètes
N Némètes
R Rauraques

Les Daces quant à eux sont une confédération des tribus qui vivent dans l'actuelle Roumanie, peuplant tous les Carpates, ainsi que la Transylvanie. [10] Les Anartes vivaient à l'Est de l'actuelle Slovaquie, et jusque dans le Sud de l'actuelle Pologne. [11] Un problème se pose maintenant quant à l'interprétation des écrits de César : entre là où les Anartes atteignent le Danube et là où les Daces touchent se même fleuve se trouve une large zone actuellement déboisée peuplée entre autres par les Oses et les Bures. Est-ce à dire que toute cette zone était boisée le long du Danube à l'époque de César ? Le fait qu'un peuple nommé Hercuniates vivent au bord du Danube dans cette région tend à le faire penser. On verra plus loin que la solution la plus viable est de considérer qu'il y avait une grande clairière en Transdanubie. On peut remarquer que les Carpates se séparent effectivement du Danube en partant vers la gauche, dans la région de Turnu-Severin.

Hercynienne2 À nouveau une image satellite pour donner une idée de la situation.

Objets géographiques
1 Danube
2 Carpates
3 Transylvanie

Territoires des peuples mentionnés
A Arnates
B Bures
D Daces
H Hercuniates
O Oses

Si l'on suit le cours du Danube de sa source dans la Forêt Noire, jusqu'au point où il touche le territoire des Astarnes, on parcourt le chemin suivant : on rencontre tout d'abord le Wurtemberg boisé et l'enclave du Hohenzollern jusqu'à Ulm. De là, la forêt s'éloigne de nos jours légèrement du fleuve, tandis que celui-ci traverse le Nord de la Bavière, et le longe à nouveau une fois passée Ratisbonne. Le Danube longe alors ce que certains auteurs auteurs grecs appelaient la forêt de Gabreta, qui correspond à l'actuelle Forêt Bohémienne dans le Sud de la Tchéquie. Entre le Danube et les Alpes se trouve une vaste zone peu boisée dont on parlera plus loin. La fin du chemin est actuellement beaucoup plus clairsemée, du fait de la présence des deux capitales Vienne et Bratislava. On peut supposer que la forêt contournait les plaines de Pannonie et de Vienne, séparées l'une de l'autre par l'extrémité des Carpates où la forêt devait courir.

Tacite dans De origine et situ Germanorum (XXX) écrit

Ultra hos Chatti initium sedis ab Hercynio saltu incohant, non ita effusis ac palustribus locis, ut ceterae civitates, in quas Germania patescit; durant siquidem colles, paulatim rarescunt, et Chattos suos saltus Hercynius prosequitur simul atque deponit.
Au-delà, les Chattes commencent à avoir des établissements à partir de la Forêt Hercynienne, en des lieux qui ne sont pas aussi vastes et marécageux que les autres tribus disséminées en Germanie. Les collines se prolongent sans interruption, se raréfient peu à peu, et la Forêt Hercynienne protège ses Chattes en même temps qu'elle les escorte. [7]

Les Chattes habitaient dans le Nord de l'actuelle Hesse, sur le haut-cours du Weser et du Eder, soit dans la zone de la ville de Kassel. Cette ville et les plaines qui l'environnent, le territoire des Chattes, sont enserrées dans le Hessisches Bergland, zone encore très boisée, qui se poursuit à l'Ouest avec le Frankenwald jusqu'au Rhin, au Sud par le Spessart et l'Odenwald (situé au Nord du territoire des Némètes), à l'Est par le Röhn puis la Forêt de Thuringe qui rejoint les Sudètes. Au Nord l'enclave de Göttingen la séparent du Harz.

On peut ajouter que le Nord de la Bavière est une zone très boisée, de même que le Sud de la Bohème. Le Nord de la Bohème par contre était vraisemblablement une sorte de "clairière", même du temps de César. Toutes ces informations nous amènent à dresser la carte suivante de l'étendue attestée avec certitude de la Forêt Hercynienne.

Hercynienne3

Habitants de la forêt[]

Plantes et animaux[]

Il est sans aucun doute vain de chercher à décrire exactement la composition arborée de cette forêt étant données son étendue et la diversité des climats qu'elle subit. On peut cependant avoir une idée des essences qui la composaient dans sa partie germaine : les langues germaniques ne possèdent qu'un nombre restreint de noms d'arbre communs et non empruntés. On est en droit de penser qu'ils ne nommaient que les arbres qu'ils connaissaient. Cette partie de la forêt était donc vraisemblablement composée de chênes (Eiche, oak, eik), de saules (Weide, willow, víðir), de hêtres (Buche, beech), de frênes (Esche, ash, askr), d'aulnes (Erle, alder, elri), d'ifs (Eibe, yew, ýr), et de bouleaus (Birke, birch, björk).

Pour ce qui est des animaux, César nous en parle un peu dans le livre VI de son De Bello Gallico, mais ne mentionne que les animaux qui sortent de l'ordinaire. Il mentionne dans le chapitre 27 une sorte de chèvre un peu plus grande que la normale mais à la robe similaire, aux cornes tronquées, et aux jambes sans articulations. On considère généralement qu'il s'agit d'un élan, animal relativement courant dans la région jusqu'au milieu du Moyen-Âge. Cependant, il serait assez incroyable qu'un animal faisant en moyenne deux mètres au garrot et possédant des bois plats (très caractéristique) d'une largeur pouvant aller jusqu'à un mètre soixante, ait pu être décrit comme une grosse chèvre. Le seul animal qui corresponde à peu près à la description est le chamois. Au chapitre 28, il parle d'un taureau de la taille d'un petit éléphant. On considère qu'il parle là d'un auroch, sorte d'énorme bœuf, et pour tout dire ancêtre des bovidés domestiques. On peut penser qu'il parlait aussi d'un bison : cet animal vit encore aujourd'hui dans quelques endroits en Pologne orientale. L'animal décrit au chapitre 26 est encore plus incroyable : un bœuf à l'allure d'un cerf, ne portant qu'une corne plus grande et plus droite que la normale, qui a son sommet se sépare largement à la manière de palmes. Il est à noter que pour peu que cet animal ait eu deux cornes, sa description aurait bien correspondu à un élan ! Mélange entre une bête effectivement rencontrée et une mythique unicorne ?

Humains[]

Comme on a pu le voir, un nombre important de peuples vivaient autour de la forêt Hercynienne. Parmi les plus connus se trouvent les Chattes, qui vivaient dans l'actuelle Hesse, et qui avaient construit près de la forêt leur capitale : Mattium. Elle est ensuite bordée au Nord (en se dirigeant vers l'Est) par les Semnons, puis les Vandales, suivis par les Bastarnes et les Scires, avant d'atteindre les plus nordiques des Daces. Par le Sud, la diversité est moins grande : passés les Rauraques et les Helvètes, on trouve les Vindélices puis les Illyriens. Quelques peuples vivaient à l'intérieur même de la forêt. Ce sont pour l'essentiel les Suèves (Marcomans, Quades, Hermundures, Angiles, Triboques ...), les Arnates et les Daces. Avant d'en être chassés, les Boïens également y vivaient.

La forêt Hercynienne et l'Histoire[]

Cette forêt occupaient une grande part de la Germanie, et en particulier la partie de celle-ci qui était en contact avec l'empire romain. C'est par conséquent dans ces bois qu'on eu lieu nombre de batailles, notamment les campagnes de Drusus et de Germanicus, et surtout la célèbre bataille de Teutobourg où Varus fut écrasé par Arminius. Les Daces eux aussi furent sujets à de nombreuses campagnes, tout particulièrement celle de Trajan qui conduisit à leur soumission. Elle était traversée par la Route de l'Ambre.

Sources et notes[]

  1. "Plusieurs auteurs frappés de ce préjugé, prétendent que les forêts nombreuses que l'on voit aujourd'hui en Allemagne, sont des restes dispersés de la vaste forêt Hercynienne: mais il faut remarquer ici que les anciens se sont trompés, quand ils ont cru que le mot hartz étoit le nom particulier d'une forêt; au lieu que ce terme ne désignoit que ce que désigne celui de forêt en général." dixit Encyclopédie ou dictionnaire raisonné des sciences, des arts et des métiers, Diderot et al.
  2. De Bello Gallico VI, 24
  3. Meteorologica I, XIII, 20
  4. De origine et situ Germanorum XXX
  5. Historia Naturalis IV, XIV, 100
  6. Wikipedia et Pokorny, Indogermanisches etymologisches Wörterbuch 1959.
  7. 7,0 et 7,1 Traduction Yadönapya
  8. Sources diverses, dont cette carte
  9. Tacite, De origine et situ Germanorum, XXVIII ; César, De bello Gallico, I, 51
  10. Sources diverses, dont cette carte
  11. Marek Olędzki, "La Culture de la Tene dans le Bassin de la Haute Tisza", Ethnographisch-archaologische Zeitschrift, Berlin
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